TAUBER
Léonard [Auguste]
05/06/1857 (Vienne - Autriche) - 09/03/1944 (Paris 16ème
arrondissement)
Léonard Tauber est un ancien président de la Fédération
Française des Echecs. Il a été le principal mécène des échecs
français pendant la première moitié du 20ème siècle.
Léonard Tauber est originaire de Vienne en Autriche où
son père était hôtelier (1). Il est arrivé en France vers 1881 et a été
naturalisé français le 18 juillet 1892 (2). Comme son père, c'est dans
le domaine de l'hôtellerie qu'il va faire sa carrière.
Il est le créateur de plusieurs hôtel de luxe à Paris. Il
ouvrit le Régina
en 1900
(2 place des pyramides à proximité du musée du Louvre), puis le
Majestic en 1907 (30 rue La Pérouse à proximité des Champs Elysées),
puis le Raphaël
en 1925
(17 avenue Kleber à proximité de l'Arc de Triomphe et des Champs
Elysées).
Léonard Tauber a été le propriétaire ou le principal
administrateur d'autres hôtels parisiens, comme l'Hôtel de Calais, ou
l'Hôtel de Vendôme.
Les Hôtels favoris des grands champions d'échecs.
Une publicité qui est parue dans Le Bulletin de la
Fédération Française des Echecs ou dans son supplément L'Echo des
Echecs pendant les années 1930 (3)
Léonard Tauber a amassé une fortune considérable grâce à
ses activités hôtelières. Après la première guerre mondiale, dans une
France très antiallemande, il fut inquiété comme beaucoup de français
d'origine austro-allemande, et le procureur de la République avait
demandé sa dénaturalisation. La presse se fit l'écho de l'échec de cette
tentative de dénaturalisation et Tauber conserva la nationalité
française:
Le Temps (26 juillet 1919)
Tauber utilisa son argent à constituer une importante
collection de peinture, qu'il exposait dans sa galerie du
Boulevard Maillot. La presse entre 1910 et 1920, rendit compte de l'achat de très
nombreuses toiles dans les grandes ventes aux enchères à Paris.
Tauber était également attiré par le jeu d'échecs. On
voit apparaître son nom dans La Stratégie en 1887, dans le compte-rendu
d'une simultanée de Jean Taubenhaus, où il figure parmi les
amateurs ayant battu le maître (4). La même année il
participe au tournoi handicap du café de La Régence et termine 3ème (5).
Les tournois handicap de la Régence étaient des tournois à élimination
directe où les meilleurs joueurs participaient avec des handicaps (1
pion, 1 pièce, 1 ou 2 temps ...) en fonction de la classe de leur
adversaire. Tauber est alors un joueur de "3ème classe".
Plus tard, il participera deux fois au Championnat de La
Régence, qui chaque année regroupe les plus forts joueurs fréquentant le
glorieux café. En 1890, il termine 5ème sur 6 (victoire de
Goetz), il ne marque que deux
points en battant deux fois le dernier et il perd toutes les autres
parties. Une partie publiée à l'époque donne une idée du jeu assez
faible de Tauber.
Gil Blas (20 février 1890) . La chronique est signée
"Martin Gall" qui n'est autre qu'un pseudonyme utilisé par
Jules Arnous de Rivière.
A la suite du championnat de la Régence, Tauber défia
Arnous de Rivière, Taubenhaus et Sittenfeld dans des petits match où il
recevait l'avantage d'un Cavalier. Le vainqueur de chaque match était le
premier à gagner 5 parties. Sittenfeld dut abandonner son match avant la
fin. Arnous de Rivière (+5=0-1) et Taubenhaus (+5=2-3) gagnèrent leur
match et se partagèrent les 150 Francs promis par Tauber (6).
En 1892 il gagne le tournoi handicap du café de la
Régence, il est toujours un joueur de 3ème classe (7).
En 1896 il participe à nouveau au championnat de la
Régence et il termine 11ème sur 12 (8).
Par la suite Tauber se contentera de jouer les mécènes.
On peut dire qu'il a financé les échecs français pendant 50 ans
quasiment à lui seul. Il va sponsoriser de nombreux tournois ou
prêter ses hôtels pour accueillir les parties, on peut mentionner, entre
autres, les tournois de la Régence 1902 (vainqueur Janowski), le tournoi
de Paris 1929 (vainqueur Tartakower), le tournoi de Paris 1938
(vainqueur Capablanca).
En 1922, il finance le Cinéma des Echecs, la revue
rédigée par Alphonse Goetz. Il
apparait en couverture en tant que "fondateur".
Léonard Tauber, croquis de Faienstein. Bulletin de la Fédération Française des
Echecs
(avril 1926) p.5
La lecture du Bulletin de la Fédération Française des
Echecs, de 1923 jusqu'à la seconde guerre mondiale, démontre que
Tauber a équilibré les comptes de la FFE pratiquement chaque
année. Il est invariablement le plus gros donateur pour le
championnat de France et pour la souscription permanente organisée par
la FFE. On peut trouver des dizaines et des dizaines de listes comme
celle ci-dessous jusqu'à la seconde guerre mondiale.
La souscription pour le 1er championnat de France
(9)
Bulletin de la FFE (avril-juin 1923) p.1
Il a été élu au comité de la FFE dès la création de la
fédération en 1923 et il en
devenu le président fin 1928 en succédant à
Fernand Gavarry. Il restera président jusqu'en avril 1932, moment où
il démissionne en mettant en avant des problèmes de santé.
Mais surtout, il est fort critiqué pour son absence et pour son manque de
développement des échecs populaires. La fronde est menée, notamment, par
Pierre Vincent l'ancien
secrétaire de la FFE (10).
Pierre Biscay, à la tête d'une
équipe rajeunie, lui succédera comme président de la FFE.
Peu de temps
avant sa démission, Tauber s'était investi dans la création d'un grand club à Paris.
Jusqu'ici Tauber était membre d'honneur du Cercle Philidor (11). A la
demande du champion du monde Alekhine qui trouvait anormal que Paris ne
possède pas un club de haut niveau (12), Tauber va en créer un de toutes
pièces dans des locaux somptueux sur les Champs Elysées. Ce club baptisé
Caïssa demeurera le plus gros club parisien pendant des décennies (13).
La Stratégie (janvier 1931) p.15
Léonard Tauber décédera à Paris pendant la seconde guerre
mondiale, peu de temps après sa femme (14).
Le Matin (10 mars 1944)
Sources:
(1)
Les Archives Numérisées de Paris donnent accès à son acte de mariage
avec Cécile Henriette Weigel le 3 septembre 1892. On trouve dans l'acte,
sa date de naissance et la profession de son père.
(2) Le Temps (26 juillet 1919)
(3) Bulletin de la Fédération Française des
Echecs & L'Echo des Echecs.
Chess Notes n°4261
(4) La Stratégie (15 février 1887)
(5) La Stratégie (15 mai 1887)
(6) La Stratégie (15 juillet 1890)
(7) La Stratégie (15 mars 1892)
(8) La Stratégie (15 juin 1896)
(9) Tauber est largement le plus gros donateur.
1000 Francs de 1923 représente environ 918 Euros (selon le site de
l'INSEE)
(10) Voir à ce sujet les textes incendiaires de
Pierre Vincent dans le Bulletin Hebdomadaire du Cercle d'Echecs
Astarté (1932).
(11) Le Cercle Philidor (1925) p.35
(12) Bulletin de la Fédération Française des
Echecs
(novembre 1930) p.4
(13) Caïssa brillera au sommet des échecs parisiens
et français pendant 70 ans, de 1931 jusqu'à 2001, où il deviendra le NAO Chess Club. Le club a été créé sur les Champs Elysées, il sera ensuite
longuement au 6 rue de Presbourg, puis il a déménagé à de très
nombreuses reprises dans Paris.
(14) Le Matin (10 mars 1944) qui indique
qu'il est décédé à son domicile, au 17 avenue Kléber, qui est l'adresse
de l'hôtel Raphaël.
|