HERITAGE des ECHECS FRANCAIS | ||
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BONCOURT Hyacinthe Henri circa 1765 - 23/03/1840 (Paris 11ème arr.) On connaît très peu de choses sur ce joueur français qui fut pourtant l'un des 4 ou 5 meilleurs joueurs du café de la Régence pendant la période 1820-1840. "Après M. Deschapelles, vient M. de la Bourdonnais, son élève, que l'on s'accorde à placer presque sur la même ligne que son maître. MM. Saint-Amant, Mouret, Boncourt, joueurs d'une très grande force, tiennent le second rang" (1) Il est absent des encyclopédies qui font référence et jusqu'ici on ne connaissait pas ses dates de naissance ou de décès, ni même son prénom. Son décès est annoncé dans un numéro du Palamède daté de 1839 (2), mais Le Palamède était publié avec beaucoup de retard. Par ailleurs on sait qu'il a joué une partie contre Kieseritzky en février 1840 (3) et un journal londonien, le Bell's Life, a annoncé son décès dans son numéro du 3 mai 1840. (4) La consultation de l'état civil parisien, nous confirme bien qu'il est décédé entre février et mai 1840: le 23 mars 1840. On y apprend également son prénom: Hyacinthe Henri. (5) George Walker, mentionne sa longévité à plusieurs reprises dans les années 1835-1840 et indique qu'il a plus de 70 ans. On peut donc estimer sa naissance vers 1765. Il existe plusieurs descriptions de Boncourt, en voici une de Saint-Elme Le Duc qui nous apprend qu'avant de jouer aux échecs, il avait été un sportif reconnu ... sur les Champs Elysées ! : "Ce joueur était le fameux Boncourt, cet homme si simple de mise et de caractère. Boncourt était d'une gravité rare; jamais je ne l'avais vu rire. Il était réservé et n'adressait pas la parole à tout le monde; c'était un homme de sens, un homme réfléchi; mais il avait l'esprit peu orné; en revanche, il avait brillé aux exercices du corps. A trente ans passés, personne ne courait plus légèrement que lui. Le jeu de barres était alors à la mode aux Champs-Elysées, et Boncourt y était aussi célèbre que l'était Larrivée à la longue paume, à peu près dans le même temps. Un jour, enfin, il songea que s'il était utile d'exercer ses jambes, il ne l'était pas moins d'exercer son intelligence; il étudia sérieusement le jeu savant qu'inventa Palamède, et, quand je le vis, il était devenu depuis longtemps une des célébrités de l'époque. A l'âge de soixante ans, Boncourt avait toute la verdeur de la jeunesse, et sa tête supportait sans fatigue une séance laborieuse de six heures. il s'occupait alors uniquement des Echecs, grâce aux loisirs de rentier que lui donnait une faible pension de retraite, acquise par trente années de travaux dans les bureaux du ministère de la marine. Boncourt, quoique pauvre, était désintéressé, et généralement aimé et estimé. Lors de notre première rencontre, je luttai vaillamment contre lui; mais je succombai. Ma défaite fut due principalement à sa force, mais aussi à l'impatience que me causa sa lenteur à chaque coup, et un soliloque perpétuel qu'il tenait à demi-voix pour savoir s'il jouerait ceci ou s'il jouerait cela." (6) Voici une autre description, de George Walker, qui confirme certains aspects de son jeu, notamment la solidité et la lenteur d'exécution: "Cependant la porte du café s'ouvre, et un murmure de satisfaction s'échappe de toutes les lèvres; toutes les têtes se découvrent avec recueillement, tous les tabourets reculent à l'approche du nouvel arrivant. Cet homme, c'est Boncourt, le Nestor de la grande armée des joueurs d'échecs. Plus de soixante dix hivers ont passé sur lui; mais leur poids n'a fait fléchir ni sa taille ni son esprit. Aussi simple que la plus innocente des tourterelles, dans ses rapports avec le monde, Boncourt, mis en présence d'un échiquier, a l'astuce du plus rusé de tous les animaux. Bien qu'il n'ait qu'un égal ou qu'un supérieur, Labourdonnais, sa modestie n'est pas moins grande que son talent. Vêtu d'une redingote, dont les pans balayent le plancher, avec un gilet rouge écarlate ou vert épinard, Boncourt lisse tranquillement les mèches argentées de ses cheveux blanchis par l'âge, et se laisse choir sans secousse dans le fauteuil vacant devant l'échiquier. L'excentricité de ses habitudes ne permet pas aux amateurs de son beau talent de faire souvent sa partie. Il ne dine jamais qu'à dix heures du soir; et malgré son âge avancé, il jouerait volontiers à la même place jusqu'à l'heure où le coq chante. La pension de retraite que le gouvernement lui paye en sa qualité d'ancien employé, suffit pour le mettre à l'abri du besoin. Content de son sort, n'ayant pas de désir qu'il ne puisse satisfaire, il prend le temps comme il vient, le monde comme il est; il met en pratique la vraie philosophie, et supporte avec une résignation admirable toutes les vicissitudes de la fortune, soit dans les événements ordinaires de la vie, soit au jeu des échecs. Aucun Français de son époque ne sait perdre mieux que lui une partie. La victoire se déciderait-elle en faveur de son adversaire, il se contente de remuer légèrement les épaules, et il replace ses pièces avec une nonchalance tout-à-fait édifiante. Il ne sort jamais sans être accompagné de son petit chien, bien connu de tous les habitués de la Régence. Le jeu de Boncourt est plus correct que brillant. Ce célèbre professeur ne connait pas, comme quelques uns de ses rivaux, l'art de commencer et de finir une partie, car il n'a pas étudié les traités scientifiques du jeu des échecs; mais nul n'est supérieur à lui pour se tirer avantageusement d'une situation embarrassante. ' Il y a vingt-cinq ans que je joue aux échecs, me disait un jour Labourdonnais, et je n'ai jamais vu Boncourt commettre une erreur dans une situation difficile'. Son début favori est le gioco piano; presque toujours il forme un bataillon carré des cavaliers et des tours; ajoutons enfin, pour compléter cette esquisse, que Boncourt ne joue pas avec la rapidité vraiment prodigieuse de l'école française; il médite aussi longuement ses coups que nous autres dans le club des échecs de Londres." (7) La référence à son petit chien est reprise par d'autres auteurs: "Quel est ce petit chien qui entre en jappant, et va s'installer tout droit sur la banquette du fond ? C'est le précurseur et l'ami de Boncourt, le grand vizir de la Régence. Joueur lent, serré, correct, mais froid, absorbé dans ses élucubrations. M. Boncourt a devancé son temps d'un demi-siècle; il eut été parfait de nos jours. Véritable automate, il parlait peu, ne riait jamais, gagnait toujours, et se retirait à minuit, quittant l'échiquier sans la plus apparence de fatigue ou d'émotion, empochant son argent et son chien." (8) Pour compléter la description de ce joueur on peut également mentionner qu'il fut l'un des nombreux compères cachés dans le "Turc", le fameux automate, : "En 1820, il (Maelzel) vint à Paris, où son automate obtint la même vogue qu'au temps du conseiller Kempelen. MM. Weyle, Alexandre et Boncourt le dirigèrent pendant son séjour à Paris" (9) Enfin concernant ses résultats échiquéens, il sont très difficiles à établir de manière indiscutable tant les sources de l'époque sont souvent floues. Il semble avoir remporté un long match de 25 parties contre Saint Amant vers 1834 (10). On note un match nul contre le hongrois Josef Szén en 1836 (11). Une victoire contre George Walker en 1838 (12).
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Sources: (1) Le Palamède - (1836) p.231 (2) Le Palamède - (1839) p.91 & 115 (3) 50 parties jouées au cercle des échecs et au café de La Régence - Lionel Kieseritzky (1846) p.40 (4) Bell's life - (03-05-1840) comme mentionné par M.Edwards sur son site Edo Historical Chess Ratings (5) Archives numérisées de Paris - Etat civil reconstitué (XVIème siècle - 1859) (6) Le Palamède - un article intitulé Souvenirs du café de la Régence - Saint Elme Le Duc (1845) p.19 à 35 (7) Fraser's Magazine - un article intitulé The café de la régence - George Walker (1840) repris dans son livre Chess and Chess Player's (1850) p.148-184 et traduit en français dans La revue britannique (mars-avril 1841) p.109 à 130. C'est cette dernière version qui figure ci-dessus. (8) La Nouvelle Régence - (1864) Alphonse Delannoy parlant des joueurs "de son temps" p.4 (9) Le Palamède - (1836) p.68 (10) Il y a un doute sur cette victoire et sur la durée du match. Voir le travail de M.Edwards à ce sujet: Edo Historical Chess Ratings (11) Le Palamède - (1836) p.363 et suivante ne donne que trois parties, mais le match a dû comporter 12 parties. (12) Le Palamède - (1839) p.29 indique une victoire dans un match de trois parties (+2 =1), mais le journal londonien Bell's Life (16 décembre 1838) dit que 4 ou 5 parties ont été jouées "with the advantage on the side of the Frenchman"
© Dominique Thimognier (Reproduction interdite sans autorisation) |