HERITAGE des ECHECS FRANCAIS

 

 

 

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DE LEGALL François Antoine (sire de Kermeur)

04/09/1702 (Versailles) - ??/??/1792

Célèbre joueur français du 18ème siècle, il est mentionné à la fois par Diderot dans Le Neveu de Rameau :

"Si le temps est trop froid ou trop pluvieux, je me réfugie au café de la Régence. Là, je m'amuse à voir jouer aux échecs. Paris est l'endroit du monde, et le café de la Régence est l'endroit de Paris où l'on joue le mieux à ce jeu; c'est là que font assaut Légal le profond, Philidor le subtil, le solide Mayot; qu'on voit les coups les plus surprenants et qu'on entend les plus mauvais propos; car si l'on peut être homme d'esprit et grand joueur d'échecs comme Légal, on peut être aussi un grand joueur d'échecs et un sot comme Foubert et Mayot." (1)

Le neveu de Rameau rencontre le philosophe au café de la Régence. (ill.Milius 1885)

 

et par Rousseau dans Les Confessions :

"J'avois un autre expédient non moins solide dans les échecs auxquels je consacrois régulièrement chez Maugis les après-midi des jours que, je n'allois pas au spectacle. Je fis là connoissance avec M. de Légal, avec un M. Husson, avec Philidor, avec tous les  grands joueurs d'échecs de ce temps-là, et n'en devins pas plus habile." (2)

Il est considéré comme le champion de La Régence jusqu'à l'arrivée de Philidor à qui il donne ses premières leçons. Au début Philidor lui rend la Tour et il mettra trois ans avant de battre son maître (3). Le dernier match qu'ils disputèrent eu lieu en 1755 et fut remporté par Philidor, il resta le meilleur joueur français après Philidor jusqu'à un âge très avancé (4).

On ne connaissait que peu de choses sur son identité exacte (nom, prénom, dates de naissance et mort). On y voit maintenant un peu plus clair:

Son père François-René baron de Legall, était un militaire célèbre sous Louis XIV, qui s'illustra lors de la guerre de succession d'Espagne. Il remporta la bataille de Münderkingen en 1703, ce qui lui valut le titre de "Lieutenant Général" décerné par le Roi, comme le mentionnent les chroniqueurs du règne du "Roi-Soleil" (5).

Le lieu et la date de naissance de De Legall de Kermeur (inconnus jusqu'ici) figurent en notes dans une de ses chroniques, les Mémoires du duc de St Simon (6).

La mise en ligne des archives départementales des Yvelines nous donne accès au registre de baptême de Versailles pour 1702 (7) et confirme les informations données par St Simon. On découvre également le prénom de De Legall:

"Du même jour [4 septembre 1702]

François Antoine De Legal

François Antoine né ce jourdhuy fils de Mr René François de Legal Chevalier Maréchal des camps et armées du Roy et de Dame Françoise Marie de Vitart St Clair son épouse a été baptisé par moy soussigné ..."

La fin de l'acte nous confirme que son père est absent. On remarque que sur cet acte le nom de famille est orthographié "De Legal".

L'orthographe des noms familles n'ayant été fixé en France que vers 1875, il existe de très nombreuses variantes de son nom :

- Légal / Legal / Legall / Le Gall / Legalle (à chaque fois avec ou sans la particule "de" et le titre de "sire")

- De Kermeur / Kermur / Kermuy

Que choisir ? Il figure sous le nom "De Kermur Sire de Legalle", dans la liste des souscripteurs du livre de son disciple Philidor, Analyse du jeu des échecs (8). Hooper et Whyld, les auteurs du livre de référence The Oxford companion to chess ont choisi "Legall de Kermeur" après des recherches généalogiques à la bibliothèque municipale de Rennes (9).

Si l'on a la curiosité d'aller chercher dans les archives en ligne des Yvelines, l'acte de baptême de son frère cadet Jules François né le 14 avril 1705, on peut y voir la signature de son père le baron René François, cette fois présent au baptême. Il écrit son nom "de Legall". C'est donc l'orthographe que je retiendrai.

On lui attribue un mat célèbre basé sur un sacrifice de Dame. Il aurait imaginé cette combinaison lors d'une partie jouée à Paris contre St Brié vers 1750 :

1.é4 é5

2.Fç4 d6

3.Cf3 Fg4

4.Cc3 g6

5.Cxé5 FxDd1

6.Fxf7 Ré7

7.Cd5 #

(La date et les coups exacts de cette partie ne sont pas avérés de manière certaine. Elle semble avoir été publiée pour la première fois par l'auteur anglais George Walker en 1835 (10). Le principe de ce "mat de Legall" a été repris, sous des formes diverses dans un nombre incalculable de parties au fil des siècles.)

C'est moins connu, mais c'est également à lui que l'on doit l'invention d'une variante du jeu appelée "La partie des pions". Un amusement auquel il avait converti son élève Philidor et qui fut plus tard repris par Deschapelles et De La Bourdonnais. Il s'agit de remplacer une pièce par un certain nombre de pions (en général un des deux joueurs remplace sa Dame par 8 pions supplémentaires qu'il place où il veut au départ de la partie)  :

"Mr de Légal, amateur célèbre de la Régence, de ce café véritable sanctuaire des échecs, sut, en imaginant la partie des pions, donner à ce jeu plus de variété et tout ensemble plus d'attrait." (11)                                 

sources :

(1) Le Neveu de Rameau. Oeuvre posthume de Diderot,D. (Ed. de 1821 p1)

(2) Les confessions. Rousseau,JJ (Ed. de 1789 p30)

(3) The life of Philidor musician and chess player. Allen,G (1865 p8)

(4) Chess. Twiss,R (1787 Vol.1 p163) cité par Allen,G.

(5) Relevé par les deux principaux chroniqueurs du règne de Louis XIV : Journal du Marquis de Dangeau. Marquis de Dangeau (Ed. de 1854-1860 Tome IX p267) / Mémoires. Duc de St-Simon (1703) dans l'édition de 1924 augmentée des additions de St-Simon au journal de Dangeau et des notes et appendices par A. de Boislisle (Tome XI p160-162) : "Cette action, qui fut belle, fit grand plaisir au Roi, qui en fit compliment à la femme de Legall, qu'il rencontra dans la galerie, venant de la messe, et fit son mari lieutenant général". Les deux ouvrages sont consultables sur Gallica2, le site internet de la Bibliothèque Nationale de France.

(6) Mémoires. Duc de St-Simon (1703) dans l'édition de 1924 augmentée des additions de St-Simon au journal de Dangeau et des notes et appendices par A. de Boislisle Tome XI p162. Les renseignements figurent dans les notes : " Cette dame [que vient de rencontrer le Roi, voir note (5)] s'appelait Françoise-Marie de Vitart Saint-Clair et était fille du major du Havre. Elle venait d'accoucher d'un fils, à Versailles, le 4 septembre 1702. On la trouve vivant encore vers 1775, âgée de 88 ans"

(7) Archives départementales des Yvelines en ligne - Registre de baptême de Versailles (1702)

(8) Analyse du jeu des échecs. Philidor,AD (Ed. de 1777 liste des souscripteurs / page non numérotée)

(9) The Oxford companion to chess. Hooper,D & Whyld,K (1ère Ed. 1984) Whyld explique son choix dans Chess Notes n°910 (consultable sur le site d'Edward Winter CN 5720)

(10) A selection of games at chess. Walker,G (1835 p91)

(11) Le Palamède. (1837 p17).

© Dominique Thimognier (Reproduction interdite sans autorisation)

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